Tancarville, centre d’une des principales seigneuries normandes

Jusqu’au XIVè siècle, l’histoire de Tancarville est inséparable de celle des officiers chargés du service de la chambre d’un souverain appelés : chambellans. La commune était alors un chef-lieu où s’effectuait le commandement de la seigneurie. Riche d’un remarquable château, la destinée de celui-ci afflige tout amateur de patrimoine et d’histoire.

La dynastie des Tancarville

Fidèles des Rois-ducs :

Le premier membre connu du lignage des Tancarville est un certain Rabel ou Raoul, officier du duc Robert le Magnifique. Robert était le père de Guillaume le Conquérant. Il n’est jamais désigné autrement que par le nom de Raoul le Chambellan. A cette époque le siège principal de la famille des chambellans n’est pas encore Tancarville mais leur manoir de Boscherville. Raoul est le fondateur d’une collégiale à Saint-Georges-de-Boscherville vers le milieu du XIè siècle. Son choix d’y installer des chanoines vers 1050 s’explique vraisemblablement par la présence de ses ancêtres y reposant et cette fondation monastique ne pouvait être le fait que d’un personnage puissant.

La terre de Tancarville serait entrée en possession des chambellans par un domaine pris sur la forêt de Lillebonne allant de Radicatel à Saint Laurent de Brévedent. Les ducs avaient d’ailleurs, à Lillebonne, une résidence qu’ils fréquentaient régulièrement. Le domaine de Tancarville pourrait être entré en possession de la famille des chambellans, pour services rendus aux ducs, dans le deuxième quart du XIè siècle. Donc, le premier chambellan possesseur de la terre de Tancarville serait Raoul.

Ce n’est pas par hasard que le « Nez de Tancarville » est le cœur de ce domaine. Eperons des plus aptes à recevoir une fortification, il domine la Seine et les Celtes en avaient déjà tiré parti. C’est l’endroit à ne confier qu’à un fidèle. Si l’on doit d’abord admettre que l’on ne sait rien du « château » des Tancarville du XIè siècle, il n’est peut-être pas trop hasardeux de penser qu’une construction défensive a pu exister là dès les premières décennies du XIè siècle, puisqu’appartenant à un proche des ducs de Normandie.

Lorsqu’il meurt, vers 1080, Raoul est inhumé dans le sanctuaire de Saint-Georges de Boscherville. Son fils, Guillaume Ier, lui succède comme chambellan de Normandie et jouera un rôle important auprès de Guillaume le Conquérant. Après la conquête de l’Angleterre, un chambellan particulier est désigné pour ce nouveau royaume. C’est avec lui que le nom de Tancarville apparaît en 1103 : « Willelmus de Tancarvilla ». La famille des chambellans a alors pris le nom de Tancarville. Un texte postérieur de seulement deux ans suppose une résidence du chambellan à Tancarville et vers la même époque, un autre texte fait mention de sa prochaine présence ou celle de son épouse à Tancarville. Cela confirme l’existence d’une résidence des chambellans à Tancarville au plus tard dans les premières années du XIIè siècle.

Guillaume Ier vit au temps du dernier fils de Guillaume le Conquérant. Il est cité par un contemporain comme l’un des seigneurs resté durablement fidèle au roi d’Angleterre. Il épouse Mathilde d’Arques, héritière unique d’une puissante famille. Il est son second mari. Le premier époux de Mathilde était parent de Guillaume. L’Eglise dénonce cette alliance dans laquelle elle voit un pêché. Il paraît vraisemblable que c’est pour payer le prix de cette transgression et racheter cette « faute » que Guillaume Ier a entrepris et financé la fondation d’une abbaye à Boscherville. Juste contre la collégiale, il fait construire l’abbatiale qui existe toujours. Il dote l’abbaye de revenus et de terres. Ses biens devaient être immenses pour avoir les moyens d’une telle fondation monastique.

Quand l’abbatiale est achevée, les restes du fondateur de l’abbaye, Raoul, y sont transférés. Lorsque Guillaume Ier meurt à son tour, vers 1140, il est également enterré dans la nouvelle abbaye de Saint-Georges-de-Boscherville qui devient une sorte de nécropole de la dynastie des chambellans de Tancarville.

Le fils de Guillaume Ier, Rabel, succède à son père. Il est l’époux d’Agnès Stigand du manoir d’Odon, nom qui a évolué en Mézidon. Ce mariage étoffe encore un peu plus la fortune des Tancarville.

Dans la lignée de ses ancêtres, Rabel fait preuve de largesse envers les établissements monastiques. Entre 1134 et 1137, il relève aussi une chapelle abandonnée au Favril (Le Valasse). Il y fait venir deux moines de l’abbaye de Mortemer et met à leur disposition douze acres de terrain.

Vient ensuite Guillaume II. Il part en croisade au côté de Richard cœur de lion. Sa présence est citée à Messine en 1190 mais on perd sa trace. Son fils, Raoul II, lui, en revient. Il fait, lui aussi, des donations à Saint-Georges-de-Boscherville.

 

Vassaux des rois de France

Toujours chambellans :

En 1204, Guillaume III, frère de Raoul II, lui succède comme chambellan de Normandie et seigneur de Tancarville. La même année, après la prise de Château-Gaillard, la Normandie est rattachée par Philippe Auguste au domaine royal français. Son allégeance au roi de France lui vaut de garder sa charge de chambellan de Normandie. Philippe Auguste, ayant jugé utile de s’attacher la fidélité des Tancarville, lui laisse aussi les droits attachés à la seigneurie de Tancarville.

Celui-ci figure parmi les barons normands au côté de Philippe Auguste en 1214. Après cette victoire française, le roi d’Angleterre, Jean sans Terre, confisque les terres anglaises des grands seigneurs normands. Guillaume III perd ainsi les domaines des chambellans en Angleterre. Mais même maintenus dans leurs titres et privilèges de chambellans de Normandie par les rois de France, les seigneurs de Tancarville n’apparaissent plus guère qu’à travers des donations aux abbayes. C’est le cas de Raoul III pour celle en faveur de Saint-Georges-de-Boscherville en 1234. Son fils Guillaume IV est l’ami de l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud qui, lors de ses tournées en pays de Caux, passe par Tancarville. Le 30 Septembre 1267, il vient d’ailleurs bénir la chapelle du château. Guillaume IV meurt le 6 Avril 1268 et Eudes Rigaud inhume le corps de son ami dans l’abbaye de Saint-Georges-de-Boscherville.

La lignée des Tancarville s’éteint avec Guillaume VI marié à 7 ans. Il mourra adolescent, sans descendance.

 

Propos recueillis du livre « Tancarville, un château, un canal, un pont, toute une histoire… »

 

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